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 [Exclusivité] La véritable histoire de Simon Adingra racontée par son mentor au Bénin

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Elu meilleur jeune joueur de la CAN 2023, Simon Adingra a été l’un des acteurs importants de la troisième étoile de la Côte d’Ivoire. Durant le tournoi continental, son histoire a fait le tour des réseaux sociaux où il aurait été escroqué avant sa formation à ABI Sport au Bénin. Afrique Sports s’est rapproché de Médard Gbedessin, son entraîneur formateur (2012 à 2020) à ABI Sport. Il nous a révélé toute la vérité sur les débuts de la coqueluche ivoirienne de Brighton.

Tel un astre naissant dans la nuit africaine, frêle et gracile, dont le destin se pare d’incertitude, j’ai eu l’heureuse surprise de croiser la route d’un prodige au sein du vénérable stade Général Mathieu Kérékou de Cotonou (Bénin), sous l’égide d’ABI Sport de 2013 à 2016. Ce jeune, timide envers la presse et reclus dans son humble réserve, se transfigurait entièrement sur les pelouses de Cotonou. Il a nom Simon Adingra, aujourd’hui champion d’Afrique avec la Côte d’Ivoire.

Doté d’une fantaisie débordante et d’une maîtrise technique éblouissante, il captivait tous les regards par son don envoûtant. Il était manifeste pour tous qu’il détenait en lui quelque chose d’exceptionnel, de précieux. Ses pieds semblaient être façonnés par les divins pinceaux d’un artiste, tant il était maître dans l’art du ballon rond.

Simon Adingra, ex capitaine d'ABI SPORT
Simon Adingra, ex capitaine d’ABI SPORT

Une simple passe suffisait, et Simon Adingra accomplissait le reste avec une aisance déconcertante. Alliant vision de jeu, insouciance, acuité visuelle, placement et discipline tactique, il hissait ABI Sport au sommet des compétitions avec l’aide de Romaric Amoussou, une autre figure éminente du football béninois évoluant encore aujourd’hui au sein de Coton Sport. Ensemble, ils écrasaient toute concurrence et s’adjugeaient les tournois Challenge BJ Football, Tournoi International des Centres de Formation (TIC2F), et Tournoi François Mensah, où Simon Adingra se distinguait invariablement en tant que meilleur joueur ou meilleur buteur, évoluant tantôt sur l’aile, tantôt en milieu offensif.

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Aujourd’hui, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec Médard Gbedessin, l’entraîneur qui a façonné Simon Adingra depuis ses 12 ans. Au cours de notre entretien, empreint de nostalgie, nous avons évoqué ces moments où je le sollicitais ardemment pour des interviews, désireux d’éclairer le monde sur ce prodige taciturne qu’était Adingra, aux prises avec des difficultés auditives et peu enclin à se confier à la presse. Avec bienveillance, il a consenti à partager avec moi les vérités intimes des débuts et des épreuves de Simon Adingra. Je vous invite à découvrir ces révélations par vous-même !

Affiche pour le site Brighton

Afrique Sports : Bonjour coach, c’est un plaisir de vous revoir. Vous êtes reconnu comme un excellent coach formateur au Bénin, avec un passé remarquable à ABI Sport. Médard, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a poussé à devenir coach formateur ?

Médard Gbedessin: Bonjour Carinos, oui je suis devenu entraîneur formateur parce que, au départ, j’avais un rêve de devenir footballeur professionnel de haut niveau. Un rêve qui tourne en cauchemar. Mais cela m’a permis de glaner quelques expériences pendant mes voyages au Nigeria, en Afrique du Sud et autres. Et c’est de là que l’aventure d’entraîneur a commencé. Grâce à un ami de mon quartier à l’époque, Francis Gbegan, qui est actuellement aux États Unis. Il m’avait dit ceci Médard, il faudrait que nous aidions nos jeunes du quartier à atteindre leurs rêves de footballeur. Et à l’époque, je voyais aussi Edmé Codjo (formateur et ancien sélectionneur des Guépards du Bénin) avec les jeunes pour le tournoi de Toulon et de Montaigu. Voilà les facteurs qui m’ont motivé à devenir entraîneur de football.

Le Coach formateur Médard Gbedessin entre Issiaka Ogounbiyi et son coéquipier
Le Coach formateur Médard Gbedessin entre Issiaka Ogounbiyi et son coéquipier

On vous surnomme affectueusement « Pep Guardiola » au Bénin. Pourquoi ce surnom vous est-il attribué ?

C’est un surnom. On m’appelle Pep Guardiola Béninois grâce à ma manière de voir les choses dans le football et aux résultats de mon équipe à l’époque. Je disais ceci : ‘J’aime la victoire, mais pas autant que la manière d’y arriver ; qu’une victoire peut être trompeuse.’ Avec ça, je mettais en place des ateliers techniques qui développaient en même temps l’intelligence de mes joueurs. Tu vois ? Puisque l’intelligence du jeu fait référence à la capacité d’un joueur à reconnaître rapidement les situations de jeu, à les analyser et à prendre les bonnes décisions. Voilà pourquoi les gens me voient en lui. Un Pep Guardiola. Moi-même, je l’ai adopté comme idole depuis la Masia jusqu’à aujourd’hui. Voilà un peu ça.

Vous avez dirigé une équipe exceptionnelle à ABI Sport, remportant de nombreux titres au Bénin pendant plusieurs années. Pourriez-vous nous parler de cette génération de joueurs, notamment de talents exceptionnels tels que Romaric Amoussou, Issiaka Ogoubiyi et Simon Adingra ?

Cette génération était une génération dorée. Avant d’en arriver là, je vous dis qu’on travaillait du lundi au lundi, et parfois, on travaillait deux fois par jour pendant les congés et les vacances. C’étais à la limite de l’épuisement, parce qu’il y a des phases de développement du jeune joueur et des capacités précoces qu’il faut développer avant un certain âge, sinon ça s’inhibe. Le fruit de ce travail nous a permis d’avoir des joueurs comme Adingra Simon, Amoussou Romaric, Ogoubiyi Siaka, Dossou et d’autres. Ce même travail nous a aussi permis d’être plusieurs fois champion des compétitions des centres de formation, tant sur le plan local qu’international.  

Simon Adingra qui termine meilleur joueur d'un tournoi à Cotonou
Simon Adingra qui termine meilleur joueur d’un tournoi à Cotonou

Comment avez-vous réagi en voyant Simon Adingra, un joueur que vous avez formé, contribuer à la victoire de la Côte d’Ivoire lors de la CAN 2023 avec ses deux passes décisives en finale ?

Bon, moi je dirai tout simplement que les performances de Simon Adingra à la CAN 2023 ne m’ont pas étonné. Il a toujours été ainsi, même en étant jeune. Ici au Bénin, dans les tournois des centres de formation, il a toujours été le meilleur joueur ou le meilleur buteur de la compétition. Beaucoup ne savent pas qu’il était également le meilleur buteur du championnat béninois de quatrième division lors de la saison 2016-2017. Voyez-vous donc. Je pense que c’est la suite de ce qu’il avait l’habitude de faire ici au Bénin. Qu’il continue donc.

Simon Adingra évolue désormais à Brighton en Premier League. À votre avis, qu’est-ce qui pourrait permettre aux jeunes joueurs béninois, comme ses anciens coéquipiers au centre ABI Sport, de se développer et de briller au plus haut niveau ?

Pour qu’un jeune joueur béninois atteigne ce niveau, celui de la Liga, de la Premier League, de la Bundesliga et autres, je pense qu’il doit beaucoup travailler. Il doit travailler énormément en dehors des séances d’entraînement. Ils doivent également avoir les mêmes opportunités que les jeunes joueurs maliens, sénégalais, ivoiriens et autres. Sinon, le talent ne manque pas au Bénin. Le Bénin regorge de talents, donc il est nécessaire que nos jeunes travaillent dur, mais aussi qu’ils bénéficient des mêmes chances que les autres jeunes.

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Pendant la CAN 2023, une histoire a circulé sur les réseaux sociaux concernant l’expérience de Simon Adingra au Bénin, affirmant qu’il aurait été escroqué à l’âge de 12 ans et qu’il était sans-abri. En tant que personne qui l’a connu et formé à ABI Sport, pourriez-vous nous donner la véritable histoire ?

 Comme je l’avais mentionné, Simon Adingra est né en Côte d’Ivoire. Il est ivoirien de père et de mère, et il est arrivé au Bénin à l’âge de douze ans. Il jouait dans les rues en Côte d’Ivoire, et c’est ainsi qu’un escroc ivoirien est venu voir ses parents et leur a proposé une opportunité au centre de formation CIFAS (Centre International de Football Ajavon Sébastien, du richissime homme d’Affaire et homme politique Béninois qui a formé des joueurs comme Jodel Dossou et qui depuis a fermé ses portes, Ndlr) à l’époque au Bénin. Ils étaient dix enfants et ont été amenés au Bénin (par l’escroc ivoirien). Malheureusement, une fois arrivés, l’escroc les a abandonnés et a fui. Les enfants se sont retrouvés à devoir travailler dans les rues pour gagner de l’argent afin de se nourrir ou de faire des petits boulots comme laver les plats avant de manger. C’est à ce moment-là que nous les avons trouvés. Quand Simon Adingra est arrivé au Bénin, il a été abandonné ici, et c’est là que tout a commencé. Ils ont travaillé pendant plusieurs mois, environ cinq à six mois, avant que nous ne les récupérions. Donc voilà, c’est ainsi que ça s’est passé. Il est important de remercier le président d’ABI Sport, qui a pris en charge les enfants en leur fournissant un logement, de la nourriture à chaque fin de mois, et en veillant à ce qu’ils aient tout ce dont ils avaient besoin. En tant qu’entraîneur, j’étais là bien évidemment, et lui, en tant que président, mettait les moyens pour que les enfants puissent manger après les entraînements.

Simon Adingra élu meilleur joueur de l'année 2015 à ABI Sport
Simon Adingra élu meilleur joueur de l’année 2015 à ABI Sport

Comment s’est déroulé le séjour de Simon Adingra au Bénin ? Étant arrivé sans sa famille, comment a-t-il réussi à intégrer ABI Sport ?

Tu sais, c’est là que les étrangers montrent un mental très fort. Imaginez un enfant de douze ans qui arrive au Bénin sans ses parents et qui reste ici ? C’était vraiment difficile pour lui. Il a dû jouer dans les rues, et c’est ainsi que nous l’avons trouvé. Avant 2012, ABI Sport n’existait pas, ce centre n’existait pas. C’est en 2012 que le président a eu le projet. Je pense que si le centre existe aujourd’hui, c’est vraiment grâce à des talents comme Adingra qui étaient ensemble dès le début. Le président avait alors ce projet d’aider ces jeunes talents. Je ne pense pas qu’il avait un projet de ce genre initialement. Mais un jour, alors que le président s’entraînait avec son équipe UBA, ils avaient accès à la pelouse les samedis matin. Il a remarqué des enfants, dont Adingra, jouer sur le terrain. Il s’est rapproché d’eux et c’est de là qu’il a eu l’idée de les regrouper pour un projet d’académie. C’est ainsi qu’ABI a été créé. Des joueurs comme Simon Adingra, Prince Ngoran, Guy Dalot, Eboué Jean Mari, Lasso Dosso, sont tous des Ivoiriens. Nous sommes également partis chercher d’autres talents dans les villages, comme Isiaka Ogounbiyi. Nous les avons regroupés pour bâtir une équipe et avons travaillé dur pour obtenir des résultats. Simon Adingra a ainsi pu intégrer le centre de formation. Au début, c’était juste ABI (Académie Bénin Inde), et nous travaillions à René Pleven (deuxième stade de Cotonou), car le vice-président était également gérant de ce stade. Après deux ans, il y a eu une séparation, et c’est ainsi qu’ABI Sport est né (tandis que l’autre branche continuait avec ABI International). Ils se sont séparés en raison d’un conflit entre le président et le vice-président. Nous sommes donc partis. Personnellement, j’étais avec la première catégorie, nous avions trois catégories, et j’étais avec la catégorie supérieure. Après la séparation, la deuxième catégorie, la plus basse, a rejoint le vice-président, et certains Ivoiriens qui n’avaient pas l’âge d’intégrer la catégorie supérieure ont été affectés à cette branche. Avec ce changement, nous avons dû déménager nos séances d’entraînement sur le terrain de l’hôtel PLM Alédjo. C’est ainsi qu’ABI SPORT est né, avec Simon Adingra et ses amis.

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Dans quelles circonstances Simon Adingra a-t-il quitté ABI Sport, avant de passer par le Ghana puis de s’exiler au Danemark ?

Vous savez, le football aujourd’hui est devenu une question de business. Certains ont peut-être plus d’opportunités, mais pas le talent nécessaire. D’autres ont le talent, mais pas les opportunités. Simon Adingra est parti au Ghana avec nous grâce à un tournoi auquel on a participé. C’est après ce tournoi qu’un partenariat est né entre Right to dream et ABI Sport. Après ce tournoi, il les a rejoints et a passé quelques mois avec Right to dream. Ensuite, il est resté là-bas et a été envoyé au Danemark. Ils ont eu des opportunités rapides. C’est ainsi que Simon Adingra est parti en Europe après toute sa formation à ABI Sport. Ces opportunités ne venaient pas rapidement pour nous au Bénin. Il est donc nécessaire de placer le joueur là où les opportunités se présentent rapidement. C’est ainsi que ce partenariat est né après le tournoi, entre les deux clubs, entre les deux académies, et qu’il est parti au Danemark. Voilà.

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 Il semble que la formation de Simon Adingra à ABI Sport soit rarement évoquée dans son parcours. Éprouvez-vous une certaine frustration à ce sujet, sachant qu’il a beaucoup appris de vous et est devenu un joueur de premier plan en partie grâce à vos enseignements ?

Oui, c’est vrai qu’on ne parle pas beaucoup de son parcours au Bénin, et je trouve que c’est un peu frustrant. Simon Adingra a en effet fait toute sa formation ici au Bénin, depuis l’âge de douze ans jusqu’au jour où il a quitté le pays en 2020. Il a passé plus d’années ici que dans n’importe quel autre pays, même pas la moitié de ce temps au Ghana. C’est frustrant quand on entend parler de son parcours et que le Bénin est souvent oublié. Certes, il a rebondi en Europe après son passage au Ghana, mais sa véritable formation, il le reconnaît lui-même, s’est déroulée ici au Bénin. C’est une fierté qu’il reconnaisse cela. Je me souviens d’être ravi d’entendre Philippe Doucet parler de lui à la télévision (Canal plus Afrique), en soulignant qu’il a été formé au Bénin. C’est déjà une grande fierté pour nous tous, car il a fait tout son parcours footballistique en Afrique, principalement au Bénin. C’est là qu’il a eu cette opportunité et cette grâce.  

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 En guise de conclusion, quel serait votre message final ?

Mon mot de fin est que le Béninois est capable. Nous avons la capacité de former des talents ici même au Bénin. Si nous avons des personnes compétentes pour accomplir cette tâche, il est impératif de leur donner cette opportunité. Il faut leur offrir la chance de réussir. Je suis convaincu que nous aurons de très bons résultats. Si le meilleur joueur de la finale de la CAN 2023 a été formé au Bénin, cela prouve que notre pays regorge de talents et de potentiel. Nous devons donner aux joueurs et aux formateurs la chance de s’épanouir, et je suis persuadé que nous verrons émerger de grands footballeurs dans notre pays. Merci beaucoup.

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