Au Terrou-Bi, sur la corniche de Dakar, l’ambiance du petit-déjeuner de ce mercredi est plutôt détendue malgré la fatigue visible sur les visages. Après huit heures de vol en provenance de Lilongwe (Malawi), les joueurs de l’équipe sénégalaise savourent leurs derniers moments ensemble, témoignant de la bonne entente qui règne dans le groupe malgré les récents bouleversements.
Certes, les deux victoires du Sénégal contre une faible équipe malawite, toujours bloquée à zéro point dans le groupe L des qualifications pour la CAN 2025, n’ont pas révolutionné le football africain. Toutefois, l’attention était portée sur les premiers pas de Pape Thiaw, successeur d’Aliou Cissé, limogé de manière inattendue.
« On a été totalement pris de court », raconte Pape Gueye à la table, assis aux côtés de son père. « On aurait pensé être informés avant, plutôt que d’apprendre la nouvelle par la presse. »
Autour de la table, des joueurs comme Nampalys Mendy ou Gana Gueye partagent cette résignation, mais soulignent que le changement n’a pas déstabilisé le groupe. « Pape Thiaw était l’adjoint d’Aliou, il avait déjà des relations avec les joueurs, donc sa nomination n’a pas été un grand choc, même si les attentes extérieures étaient élevées », ajoute Pape Gueye.
Depuis quelques années, Aliou Cissé était critiqué pour son style de jeu jugé trop rigide. Beaucoup espéraient que Pape Thiaw libérerait davantage le potentiel offensif impressionnant de l’équipe sénégalaise. Le premier match fut en ce sens prometteur. En plaçant Iliman Ndiaye en soutien de l’attaquant, Thiaw a tracé une nouvelle voie appréciée des supporters, avec une victoire éclatante de 4-0. Cependant, le match retour a rappelé que ce style ouvert n’est pas toujours adaptable, notamment à l’extérieur et sur un terrain difficile comme celui de Lilongwe. Privée d’Iliman Ndiaye, l’équipe a dû lutter jusqu’à ce que Sadio Mané offre la qualification.
Cette nouvelle génération sénégalaise, symbolisée par des joueurs comme Lamine Camara et Pape Matar Sarr, commence à s’imposer, bien que Sadio Mané reste l’homme clé. Malgré quelques occasions manquées lors du match retour, c’est finalement lui qui, sur un coup-franc, a scellé la victoire.
Bien que cette qualification ait pu sembler sans suspense, les critiques et les polémiques autour du départ soudain d’Aliou Cissé planent encore. Officiellement confirmé par la Fédération, son contrat avait pourtant expiré le 31 août. La lenteur des négociations et l’intervention du gouvernement sénégalais, via une lettre à la Fédération largement relayée par la presse, ont révélé des tensions plus profondes.
Le communiqué de presse annonçant la fin de la collaboration avec Cissé est symptomatique des défis auxquels fait face le football africain : même pour une nation qui a remporté la CAN et participé à deux Coupes du monde, l’argent public semble crucial pour financer le salaire du sélectionneur, qui atteignait 45 000 euros par mois. La Fédération s’est contentée de « prendre acte » de la décision du gouvernement, un geste qui en dit long sur le pouvoir politique dans le football.
Pour les joueurs, ces enjeux restent distants. « On nous a dit que Pape Thiaw était là pour deux matches, on ne sait pas s’il continuera », confie Pape Gueye. Le destin de Thiaw pourrait dépendre des tendances actuelles, favorisant l’« expertise locale » ou des critères financiers. Cela laisse également la porte ouverte à d’autres candidats comme Habib Beye ou Omar Daf, à moins que Thiaw ne reste jusqu’à la fin des qualifications en novembre.
Quoi qu’il en soit, la situation reste incertaine, notamment après que Pape Thiaw a remplacé le Français Régis Bogaert dans un contexte délicat. Hervé Renard, double champion d’Afrique, réside au Sénégal et n’a jamais caché son envie de revenir entraîner une sélection. Pourtant, ces discussions sont loin des préoccupations des joueurs, qui s’apprêtent à reprendre leurs routines. Gana Gueye, par exemple, profite de ce court retour à Dakar pour faire découvrir la ville à quelques coéquipiers avant de rejoindre son club.
Comme les petits-déjeuners, les voyages des joueurs africains semblent ne jamais vraiment se terminer.
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